Interview exclusif du colonel DRY, commandant la Force Aérienne de la Gendarmerie d’Ile-de-France, sur les préparatifs qui lui incombent, comme acteur 3D, dans le dispositif mis en place pour les jeux olympiques de Paris, du 26 juillet au 11 août prochain, puis du 28 août au 8 septembre (pour les jeux paralympiques).

COL DRY, commandant la FAGIF

Aerogend.com : Mon colonel, vous commandez la Force Aérienne de Gendarmerie d’Ile-de-France depuis 2021. Vous serez aux premières loges pour ce qui concerne l’engagement des moyens aériens lors des Jeux Olympiques de Paris 2024 ; pouvez-vous nous dire, sans trahir le secret des dieux, quels seront les moyens que vous mettrez en œuvre pour assurer la sécurité du public, en juillet prochain ?

A événement exceptionnel, dispositif exceptionnel… Sans pour autant assécher les ressources des Forces Aériennes de la Gendarmerie, dans la mesure où les JO de Paris s’inscrivent dans la durée, avec deux phases successives. Tout d’abord, les jeux olympiques, du 26/07 au 11/08, puis les jeux paralympiques du 28/08 au 08/09. Il s’agit comme vous pouvez l’imaginer d’une mission d’appui aérien au profit de la sécurisation d’un évènement international et politique majeur, impliquant tant la fonction observation/renseignement que la fonction d’aide à la mobilité. Ce rendez-vous va durer au total plus de trente jours, sans compter les phases préparatoires et les phases de désengagement. On est donc dans une posture aéronautique à la fois très comparable dans sa conception avec d’autres grands événements auxquels les forces aériennes de la Gendarmerie ont pu participer (G7, G20, DDAY, …), mais avec une logique d’inscription dans la durée totalement inédite à ce jour. Cela a d’évidentes conséquences en termes d’anticipation sur la disponibilité mécanique des appareils, mais aussi sur la génération de forces humaines. Le principe retenu est celui d’une structure modulaire, qui s’appuie, pour ce qui concerne le seul prisme « parisien », sur les ressources de la FAGIF, c’est à dire 2 EC 135 et 2 EC 145, renforcés ponctuellement de 1 à 2 EC 135, et/ou de 1 à 2 EC 145, avec leurs équipages associés.

Aerogend.com : Comment va s’inscrire la composante aérienne de la gendarmerie dans le dispositif aérien qui couvrira l’évènement ? Qui sera le chef d’orchestre des moyens aériens en matière de sécurité publique ?

La question est particulièrement pertinente lorsque l’on sait que l’armée de l’air et de l’espace, en charge du DPSA (dispositif particulier de sûreté aérienne), déploie près d’un millier d’hommes et de femmes, pour réaliser les 4 missions qui incombent à ce type de dispositif : protéger des intrusions inopinées de l’espace aérien, lutter contre la menace drones, coordonner l’action de tous les moyens aériens engagés et… au cas où, faire converger ces trois missions pour mieux gérer la crise. Pour reprendre votre métaphore musicale, ce qui doit être bien compris, c’est que le DPSA est là pour que les différents acteurs aéronautiques de l’évènement puissent jouer leur partition sans gêner le travail des « musiciens de la salle de concert d’à côté ». Ainsi, on peut dire que le responsable du DPSA est le régisseur, là où chaque composante, sécurité civile, sécurité publique, réserve d’intervention des armées et opérateurs médias, dispose chacune de son chef d’orchestre, en ayant chacun un effet à obtenir sur le terrain depuis les airs. En l’occurrence, en ce qui concerne spécifiquement la sécurité publique pour l’Ile de France comme pour Marseille, principales zones impactées par les JO, cela incombe au commandant de la Force Aérienne Gendarmerie Zonale de tenir le rôle de C3D (coordonnateur 3D).

Aerogend.com : Qui aura la charge de conseiller l’autorité en matière d’engagement des moyens aériens au titre de la protection civile, de l’engagement contre-terroriste, du maintien l’ordre ?

La logique de conseil auprès de l’autorité se décline par champs missionnels. Si je suis l’interlocuteur naturel de l’autorité pour la partie « appui aux unités au sol en matière de sécurité publique et de maintien de l’ordre », c’est évidemment mon homologue de la sécurité civile qui est le plus à même de conseiller sur la pertinence de l’emploi des moyens en cas de crise de sécurité civile, même si l’expérience montre que ce travail se fait là encore de concert, la grande famille des aéronautes œuvrant main dans la main pour que cela fonctionne en harmonie. Pour la partie spécifique du contre-terrorisme, le dispositif de conseil « sécurité-publique » est étoffé par l’intégration d’un DL (détaché de liaison) du GIH (groupe interarmées d’hélicoptères), intégré au sein du PC « intervention spécialisée », en lien direct avec le C3D qui sera lui-même au plus près de l’autorité administrative, au cœur de la Préfecture de Police de Paris. Enfin, il ne faut pas négliger la vie courante « hors JO » et, à cet effet, les forces aériennes ne dégraderont pas leur service habituel, notamment pour assurer le flot habituel de missions. Ainsi, pour le cas spécifique de l’Ile de France, afin de gérer à la fois la mission JO dans la profondeur et continuer de répondre aux sollicitations courantes, un DL des FAGN sera également prépositionné auprès du général de Gendarmerie commandant la région, zone de défense et de sécurité Ile de France, à Maison-Alfort. Pour autant, la décision finale d’engagement des hélicoptères « bleu » restera centralisée au niveau du C3D positionné à la DOPC (Direction de l’ordre public et de la circulation), tandis que celle des drones sera déconcentrée auprès des unités de terrain, la déconfliction étant assurée par le DPSA..

Le stade de France en mode “surveillance nocturne” grâce aux équipement IR. © FAGIF

Aerogend.com : Avez-vous déjà une définition précise de la mission qui vous sera confiée et de ses limites ? Qui va faire quoi et avec qui ?

La mission globale se décline en deux modes d’action : renseigner et transporter. Le renseignement passe par l’observation, à la vue et à la voix, mais surtout par l’apport des moyens optroniques embarqués à bord des hélicoptères comme des drones. Cette manœuvre est sans doute celle qui a demandé le plus d’anticipation, puisqu’elle a débuté pour Paris dès 2022 avec la densification progressive du maillage de réception audio et vidéo, dont les dernières installations sont actuellement en cours de livraison. Cette manœuvre est également passée par la sanctuarisation d’un poste de travail pour le C3D, permettant d’agréger tous ces moyens, directement dans la salle de commandement de la DOPC de la PP, au plus près du poste du préfet, de son directeur, mais également de celui du responsable des drones de la PP, composante aussi complémentaire qu’essentielle à la conduite de la manœuvre. La mission de transport est organisée de façon concourante à l’action du GIH, au profit d’une éventuelle mise à terre du GIGN, mais aussi de façon autonome, au profit de l’ensemble des acteurs, décideurs comme unités de renfort, qui nécessiteraient l’emploi du moyen aérien pour s’affranchir avec souplesse et rapidité des contraintes des flux routiers, en facilitant ainsi les éventuelles bascules de forces ou l’apport ponctuel de ressources spécifiques (équipes cynophiles, négociateur, plongeurs,…). De nombreux exercices ont ainsi été réalisés avec les unités de Gendarmerie Mobile de la plaque parisienne.

Aerogend.com : Comment allez-vous vous organiser pour tenir dans la durée, du 26 juillet au 11 août ?

J’insiste sur le phasage : certes, la période du 26/07 au 11/08 est au cœur de toutes les attentions, mais la phase jeux paralympiques, qui se poursuit jusqu’à la mi-septembre, requiert un dispositif de coordination et d’engagement des moyens tout à fait comparable. A ce titre, certaines unités des FAGN ont été désignées pour participer au contrat opérationnel de la FAGIF. Ces unités seront soit en alerte sous délais, soit rapprochées de la zone d’action lors des séquences les plus sensibles. Conscients de participer à un évènement singulier dans une vie, tous les équipages opérationnels des FAGN connaissent le régime de permission estivale souhaité par le ministre et limité à 10 jours. En clair, lors des phases de JO, tous les musiciens seront sur scène (d’alerte en vol), en coulisse (d’alerte au sol), ou en loge (en réserve d’intervention à la résidence), mais forcément prêts à jouer de leur instrument, mûrement préparé par nos équipes de mécaniciens, tant en unité que depuis le CNAMAG*. Il en va de même pour les nombreux DL nécessaires pour armer les nombreux PC de conduite (DOPC, RGIF, DPSA) ou de suivi (CNO, CIC Minint, …). Là aussi, la Division des Opérations du COMFAG organise la ressource en agrégeant ses officiers de l’État-major, mais aussi les officiers des autres Forces, pour assurer la permanence. Dans ce cadre, les réservistes sont également une ressource identifiée, et le premier lieutenant de réserve spécialiste a ainsi été recruté au titre spécifique de DL3D.
* Centre National de la Maintenance Aéronautique de la Gendarmerie.

Aerogend.com : Et pour la province ? La problématique posée est similaire mais sans doute réduite en volume et intensité dans l’espace et dans le temps. Est-ce que vos alter ego zonaux dupliqueront le dispositif parisien ou en ira-t-il différemment ?

En effet, Lyon, Saint-Etienne, Nice, Nantes et Bordeaux vont également se parer des anneaux olympiques. Mais cela reste très ponctuel et va s’intégrer dans la gestion courante des opérations aériennes de l’été. Seule Marseille verra la montée en puissance d’un dispositif conséquent, sous l’égide du commandant de la Force Aérienne de Gendarmerie Sud, avec là aussi présence d’un coordonnateur 3D dans le PC dédié à l’évènement, et le concours d’un moyen aérien du GIH. La question de l’outre-mer s’est posée avec les épreuves de surf prévues à Tahiti : une première utilisation des futures drones DME a été envisagée, avant d’être écartée. Quoi qu’il en soit, cette période des jeux olympiques sera une page marquante pour les Forces Aériennes, l’implication de chacun étant attendue. Les FAGN sont dans les « starting blocks ». Pour un Marathon !

Un commentaire

  1. Les FAG vont avec les biturbines Ec 135 et 145 pouvoir démontrer leur savoir-faire et parfaire la sécurité de tous..

    Chaque personnel va se grandir d’une mission exceptionnelle et engagée pour servir avec honneur la France.

    En effet cette mission demande qualités exceptionnelles rigueur stratégie observation anticipation.
    Un engagement à la hauteur de vos compétences.

    Bon courage à vous tous .
    Respectueusement vôtre 🇨🇵🚁

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