Le sling (cargo-sling) en hélicoptère est une technique qui a son utilité lors de circonstances particulières (catastrophes, théâtres d’opérations…). L’hélicoptère est alors le seul moyen d’acheminer des charges conséquentes dans des lieux exigus. Le récit humoristique de Michel Coudurier, toujours issu de nos bulletins de liaison*, laissera un souvenir nostalgique aux pilotes d’hélicoptères qui exécutaient ce type d’exercice lors de leur formation à l’ESALAT de Dax.

  • Récit issu du bulletin de liaison (BL /AAFAG) N° 22 de décembre 2002.
Guyane française (Grand Santi ?) – La charge est accrochée, il n’y a plus qu’à décoller.
Photo : Collection Ailes de la Gendarmerie – auteur présumé Jean Gimeno.

Chacun a en mémoire, au moins les pilotes, qu’à l’E.SA.L.A.T*., les gendarmes stagiaires bénéficiaient d’une certaine côte. Il n’empêche que si un mauvais coup se préparait, bizarrement, çà tombait sur le gendarme de la promotion. Je vous avais fait humer la chose dans le numéro 16. Je n’en garde aucune amertume bien sûr car il vaut mieux en rire et, sur le moment, faire preuve de philosophie pour mieux encaisser le choc.

* École de Spécialisation de l’Aviation légère de l’Armée de Terre.

La progression comprenait des exercices très périlleux tel le vol en charge avec du lest dans les paniers du BELL 47G2. Il fallait afficher toute la puissance de la bête pour la faire décoller après un stationnaire à 30 cm du sol. On passait ensuite à beaucoup plus fort avec le cargo-sling sur ALOUETTE II.

A l’époque, ces vols avaient lieu sur le terrain de Buglose où les charges étaient acheminées en camion. Les élèves, eux, rejoignaient l’endroit par la voie des airs ou en mini-bus. A notre arrivée, 3 lots de charges, constituées chacune par 300 kgs de patins de chars placés dans des filets, étaient alignés et disposés sur les axes de décollage.

Au cours des premiers tours de piste, le moniteur nous abreuvait de toutes les recommandations utiles : mise en stationnaire à 2 mètres, translation latérale vers la charge qui était accrochée par un mécanicien à l’aide d’une élingue de 3 ou 4 mètres, elle-même verrouillée au sling, pendant qu’un autre personnage –généralement le second élève – à 15 mètres devant l’appareil nous guidait par des signes conventionnels.

Lorsque l’élingue était verrouillée, il faisait signe de monter verticalement pour tendre l’élingue. Après quoi, il s’effaçait sur le côté pour le décollage… oblique. L’astuce consistait à réaliser l’ensemble sans balancement afin d’éviter l’impression de piloter le balancier d’une horloge Comtoise.

Le tour de piste se terminait par une approche sur la pointe des pieds (dite de précaution) puisqu’il fallait arriver en stationnaire HES* avec la charge stabilisée, élingue verticale ; puis lente descente à l’aplomb ce qui provoquait le décrochage automatique lorsque la tension du câble était inférieure à 50 kilos lors du contact avec le sol. L’exercice était répété jusqu’à ce qu’il soit correctement assimilé, soit à l’issue de 3 ou 4 tours de piste, puis c’était le solo fatidique. Le moniteur nous serinait les dernières recommandations d’usage ; et vogue la galère…

Je fignole mon décollage, sans à-coup, tour de piste sur les repères. Tout va bien, rien ne bouge, je me présente en longue finale. Pas de doute sur le point de poser car LE FLOCH (… je vous présente mon moniteur) est droit comme un I, les poings sur les hanches, le regard fixé sur l’hélico comme s’il n’en avait jamais vu.

Je soigne ma descente sans le quitter des yeux, vitesse et vario stabilisés. C’est pas tous les jours que le mono fait la balise. En arrivant plus près, je m’aperçois qu’il a des hochements de tête plutôt bizarres. Il n’a pas l’air content le Monsieur. Qu’à cela ne tienne, je poursuis mon approche pour le stationnaire HES.

C’est alors qu’il me fait signe d’avancer et, d’un geste brusque des deux bras, me fait poser sur place. Ça ne fait qu’un tour entre les écouteurs : “Merde, la charge !“.

Il se précipite, ouvre la porte gauche et nanti d’un sourire de pit-bull me jette furieusement : “Qu’est ce que vous avez foutu de la charge ?“. Il vérifie la manette de largage sur le pitch et me balance, toujours aussi aimable : “Vous avez touché à la manette !!!…” Là ce n’était plus une question, mais presque une accusation.

Persuadé du contraire, je lui affirme que non et, sur ce point au moins, j’étais sûr de moi, d’autant que nous avions eu suffisamment de mises en garde au sol et en vol.

Il me fait signe de couper. En effectuant mes procédures je n’en mène pas large, persuadé que pour moi le stage est terminé, surtout si la charge a provoqué des dégâts, au pire tué quelqu’un.

C’est alors qu’un autre appareil se pose à une trentaine de mètres sur la droite. Le moniteur descend et court vers LE FLOCH. Ca discute aussitôt avec une agitation débridée, un doigt pointé vers la vent arrière.

Au moment où je descends, LE FLOCH renvient vers moi et me hurle : “On sait où elle est votre charge, elle est tombée dans un élevage de volailles où elle a fait du ravage. J’espère que vous n’avez tué personne !!! Il ne manquerait plus que çà.” Le moral en reprend un sérieux coup.

L’après midi se termine avec les commentaires que l’on imagine et nous nous retrouvons dans le mini bus pour le retour à Dax. LE FLOCH en profite pour me conditionner et m’enjoins de produire une déclaration pour relater les faits en détails.

Je rédige mon papier le soir même, aidé de quelques élèves de ma promotion qui me conseillent sur le contenu. Ce faisant, ils me remontent le moral de leur mieux, ce que je trouve plutôt sympathique.

Le lendemain, à la reprise des cours, je remets mon papier au Lieutenant DELAUZANNE, Chef de la Brigade, qui me rassure à son tour mais m’informe tout de même que les dégâts risquent de m’être imputés financièrement… (Un élève d’une promotion précédente aurait vendu sa voiture pour rembourser une vache qu’il était sensé avoir tuée. C’est dire si la farce était orchestrée par des experts qui, d’une promotion à l’autre, peaufinaient le gag).

A mon grand étonnement, il m’invite à rejoindre les cours alors que je m’attendais à monter au

Kremlin” (surnom donné au bâtiment Etat Major de l’E.S.A.L.A.T. de Dax en raison de son architecture particulièrement rébarbative) pour m’expliquer et éventuellement me voir remettre ce charmant imprimé appelé “Fiche de circuit départ“. Eh bien non, rien. Enfin un détail qui me rassure.

La journée se déroule presque normalement, bien que mon cœur ne soit plus à l’ouvrage. Les uns et les autres y vont de leurs arguments pour me rassurer. Je les comprends bien mais la panade, c’est moi qui suis dedans.

A l’issue de la dernière heure de cours, voilà qu’arrive le moniteur, escorté de deux ou trois blaireaux, également moniteurs de leur état. A voir la déprime que manifestent leurs minois, ce qu’ils ont à m’annoncer ne doit pas être réjouissant. J’ai subitement un mauvais, mais alors très mauvais, pressentiment sur les dernières nouvelles et surtout en ce qui concerne mon avenir aéronautique.

LE FLOCH s’approche avec un air tellement contrit que, pour peu, c’est moi qui aurais pitié pour lui.

Il m’annonce que :

Après avoir longuement statué sur vos capacités (nous nous regardons droit dans les yeux et je suis beaucoup plus attaché à ce qu’il me dit, qu’à la feuille de papier qu’il me tend) j’ai l’honneur de vous remettre votre Brevet de Bombardier“…

Je crois rêver. Je ne sais que dire tant la mayonnaise a bien pris. Les rires commencent à éclater

autour de moi. Et tout se termine, comme il se doit, à “La Chapelle” (surnom donné au bar du Mess).

Epilogue : Car il faut bien une explication sur le déroulement de la manœuvre.

Lorsque je me suis mis en stationnaire, le petit filou (sur ordre bien sûr) n’a pas accroché la charge.

Aussitôt mon décollage et avant le premier virage un autre appareil qui tournait à proximité a soustrait ma charge qu’il a déposée sur un camion ; donc pas de filet sur le terrain quand je me suis présenté en finale.

Et le pas me direz-vous ? Et bien oui, le pas… Quand on a une trentaine d’heures d’ALOUETTE, que l’on se retrouve en solo à promener 300 kilos de ferraille, sensés être accrochés à l’appareil, on fixe le moniteur qui, pour la circonstance, capte toute notre attention et le degré et demi de pas, eh bien on n’y prend pas garde.

On soigne son décollage oblique, l’axe, le vario, le badin, l’alti et tout cela en prenant bien garde au balancement de la charge car le moniteur n’est plus à bord pour rattraper si quelque chose tourne mal. Et c’est ainsi que vous vous faites piéger : par manque d’expérience. Il faut dire que cet exercice s’y prête à merveille.

Michel COUDURIER alias Moustaches Kaki

Un commentaire

  1. STEIN Claude, Adjudant en retraite, mecbo. Pour la photo du cargo sling, il s’agit de l’héliportage d’un congélateur de Maripasoula à la BT de Saül effectué par Giméno et Célério en mars 1978. J’avais rejoint Maripasoula la veille par avion Air-Guyane, dormi sur place pour assurer la préparation et l’accrochage du colis. Retour même voie à l’issue. Pour la petite histoire, ils furent obligés de se poser en route suite à la rencontre d’un orage assez conséquent et Célério, qui avait assuré l’accrochage, a dû faire l’acrobate pour rejoindre “CSD” qui était en stationnaire au-dessus du colis. La photo est à l’actif d’un personnel de la BT de Maripasoula dont j’ai oublie le nom.

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