18 Juillet 1972 – Arêtes des Nantillons dans les aiguilles de Chamonix.

Dans les aiguilles de Chamonix, sur l’arête des Nantillons, une course très fréquentée, Mr Nigel Hellewel est un alpiniste parmi tant d’autres qui effectue sa course, heureux, car il fait très beau. Soudain, le faux pas, la perte d’équilibre et tout bascule… et puis le choc. Le rappel a tenu, et l’alpiniste, sonné, blessé, mais vivant, pend dans le vide au bout de la corde. Sur l’arête, il ne manque pas de bras pour le remonter. Nigel Hellewel souffre et crie. Il est blessé à la face et à l’épaule gauche fracturée.

Un volontaire tire quelques rappels jusqu’au bas de la paroi et court vers le Plan de l’Aiguille pour donner l’alerte. Le PGHM puis l’équipage hélicoptère sont alertés. Lorsque les secouristes arrivent à la DZ des Bois, l’Alouette 3 est prête et le décollage est immédiat. Lorsque nous arrivons sur la zone, je vois des gens qui font signe pour nous indiquer l’emplacement du blessé. L’alpiniste est allongé dans une anfractuosité de rocher, le visage rouge, il a l’air mal en point. Il y a beaucoup de monde à proximité, je décide de treuiller.

Notre secouriste (Mdl-Chef Cornier) s’équipe et le mécanicien (Mdl-Chef Gerise) commence à me guider à la verticale d’une petite plateforme : « OK, ne bouge plus, c’est bon, je commence à descendre, toujours bon, attention, il va arriver, il touche ».

Je compense aux commandes l’allègement quand notre camarade prend pied sur l’arête.

« Je remonte le câble, tu peux dégager ».

Très vite Cornier appelle à la radio : « ce n’est pas trop grave, quelques blessures à la face et une épaule que je vais immobiliser. Je l’équipe, j’en ai pour dix minutes ».

Dix minutes plus tard, le blessé équipé d’un cacolet attend d’être treuillé. Stationnaire, le câble descend.

« Ne bouge plus, c’est bon il est accroché , je le remonte, attention pour dégager »…

J’ajoute un peu de pas pour faire monter l’hélico et sa charge. C’est curieux, je ne perçois pas comme d’habitude la montée du treuil. Je suis assez loin de la paroi pour risquer un coup d’œil vers l’arrière. Je vois alors Gerise penché à l’extérieur qui regarde la tête de treuil et qui appuie par à-coups sur la commande mais le treuil refuse de fonctionner ou plutôt, il enroule le câble à une vitesse telle qu’il nous faudra 1/2 heure pour voir le blessé à la porte.

Je demande : «  qu’est ce qu’il se passe ? »

« Je n’en sais rien, ça ne marche pas. Tout à l’heure ça allait bien. »

« Alors, qu’est-ce qu’on fait? »

« Je te guide sur la plateforme, je vais le déposer auprès du secouriste. »

« D’accord ».

Et l’anglais reprend le chemin de l’arête des Nantillons.

« C’est bon, il est posé, décroché, tu peux partir, je vais essayer de remonter le câble. M… çà marche impeccable. Ça remonte normalement. On revient le récupérer, je ne sais pas ce qui s’est passé ».

A la radio, Cornier s’inquiète : « Eh, qu’est-ce qui se passe…? »

« Je n’en sais rien, on a eu un problème de treuil, mais maintenant, ça va, je reviens chercher ton blessé ».

« Vertical, c’est bon, ne bouge plus, accroché, je déjauge… m… ça ne marche pas ! ».

En bas, Cornier s’inquiète, ll voit le blessé qui roule des yeux apeurés, se balançant doucement sous l’hélico en stationnaire. A l’intérieur, le mécano s’énerve, sort pratiquement entièrement à l’extérieur pour regarder le treuil de près. Je le regarde faire et me dis qu’avec la ceinture treuilliste il ne risque rien…

Et puis, bonheur, il trouve la panne. Le robinet P2 qui alimente le treuil en air comprimé est fermé. Certainement, une fuite interne permettait un fonctionnement à vide mais pas en charge. Cette fois tout fonctionne normalement. L’anglais vient vers nous et sans comprendre se retrouve installé dans la cabine non sans quelques grimaces…

« OK pour récupérer le secouriste. Un peu en avant, stop, stop, c’est bon ne bouge plus. Mais qu’est-ce qu’il fait ? Il n’est pas bien, il me fait signe qu’il ne veut pas monter, qu’il part à pied ».

J’insiste en stationnaire et le mécanicien m’indique qu’enfin il a pris l’anneau pour s’accrocher. On le remonte et descendons vers Chamonix. Par radio je demande une ambulance.

Alors dans mes écouteurs j’entends la voix de Cornier : « tu comprends, moi j’avais retenu une place sur la corde d’une cordée pour redescendre. Avec l’anglais qui ne pouvait pas monter, je ne savais pas si ça n’allait pas recommencer »…

Après l’explication technique, il parut rassuré et tout se termina en éclats de rire…

2 commentaires

  1. Eh bien quelle maîtrise. Le mecbo est vraiment indispensable et très très compétent. Celui-ci n’a pas paniqué et avec tact et toujours en osmose avec son pilote donne les bonnes indications.

    Une symbiose où pilote mecbo sont « les maillons » du pilotage extrême en montagne.

    Le blessé bien préparé et rassuré a pu être évacué en toute sécurité.

    Un secours mené très réfléchi face à une délicate défaillance du treuil.

    Ce qui permet à nouveau de faire grandir la technicité vers le treuil électrique et le câble plus long.

    Merci pour ce récit et ce souvenir où face au danger nous pouvons constater votre sang-froid et vos qualités.
    En toute discrétion lors des stages aguerrissement à Briancon il était intéressant d’observer cette humilité et vos compétences d’enseignement

    Amitiés à vous Jean et respect à vous.

    Le vol en montagne ainsi narre fait vraiment découvrir un métier engagé où Secourir est l’adrénaline de l’équipage sans toutefois se mettre en danger et où la compréhension, l intelligence les qualités professionnelles résonnent de lucidité. Bravo

    1. Merci Marie-France pour ce commentaire. Effectivement, l’équipe pilote/mecbo doit être soudée et pour cette mission… et les autres, elle l’était. Ces anecdotes ne sont pas rares dans ce type de missions qui demandent une adaptation permanente aux aléas qui ne manquent pas de se présenter… vent, terrain, météo, mécanique, performances de la machine… etc…etc…
      C’est ce qui fait tout l’intérêt de ce métier dans sa spécialité montagne.

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