Ce vendredi 11 octobre 2024 à 08h19 heure locale, un hélicoptère AS 350 Ecureuil de la SAG de Nouméa en mission de reconnaissance a rencontré un problème technique, probablement lié au moteur, le contraignant à un amerrissage au large de PLUM sur la commune de MONT-DORE (Nouvelle-Calédonie).

Selon les renseignements émanant* du Commandement des Forces Aériennes de la Gendarmerie Nationale (FAGN) à Villacoublay, l’incident s’est vraisemblablement produit à la suite d’une panne technique, dont l’origine pourrait être le turbo-moteur de l’hélicoptère.
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L’équipage a été contraint de réaliser une procédure d’urgence consistant en un amerrissage après percussion de la flottabilité de secours dont sont équipés tous les hélicoptères monomoteurs des FAGN, implantés le long des littoraux de métropole et d’outre-mer.

Il faut saluer la maîtrise de l’équipage composé de trois personnels: un moniteur (instructeur), un pilote et un MECBO (mécanicien de bord) , la conduite de l’autorotation jusqu’à la surface marine ayant été parfaitement maîtrisée. Selon les commentaires du COMGEND NC*, aucun d’eux n’a été blessé, hormis quelques séquelles causées par l’impact avec la surface de l’eau.

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Ils ont été récupérés par un bateau de plaisance présent sur zone, avant que la brigade nautique de la gendarmerie nationale et le RIMaP, n’interviennent pour éviter la dérive de l’appareil et le remorquer jusqu’à bord.

Grâce à la réactivité et la coordination de l’ensemble des personnes et corps engagés, l’opération de secours a pu se dérouler dans les meilleures conditions.

Quelques secondes pour s’en sortir

Une panne moteur n’est jamais anodine et demande une réaction immédiate de l’équipage, à fortiori lorsque cela se produit au-dessus de l’eau. Il y a donc quelques secondes d’opportunité à saisir pour le pilote aux commandes à cet instant et tout l’enseignement dispensé au cours des instructions répétées que subissent les équipages est mis à profit.

Tout d’abord, lorsqu’une panne moteur se produit inopinément, que se passe-t-il à bord ?

La première chose qui alerte l’équipage est un bruit de klaxon qui retentit dans la cabine. Et je peux vous assurer que cela ne laisse personne indifférent… Vous êtes en train de faire de l’observation, le regard tourné vers l’extérieur et ce bruit de klaxon vous entre dans les oreilles, suivi immédiatement d’un à coup en lacet de toute la cabine.

Le pilote, à cet instant, effectue une série de réflexes “automatiques” issus des nombreuses heures d’entraînement à la panne (merci à nos moniteurs, qui sont les instructeurs dans la Gendarmerie): il baisse le pas général, qui est la commande située dans sa main gauche et qui agit sur l’angle d’incidence des trois pales du rotor principal, ce qui a pour effet de diminuer la puissance consommée par la voilure, tout en corrigeant aux palonniers le couple qui fait pivoter la cabine et en agissant au manche (le pas cyclique sur hélicoptère) en affichant la vitesse qui va lui permettre d’alimenter la voilure en énergie. Il la réduit s’il est en vitesse de croisière, c’est le cas le plus favorable, et il l’augmente s’il est à vitesse réduite (ou en stationnaire), c’est généralement le cas le plus défavorable, surtout à partir de la basse altitude (peu de temps pour réagir).

A cet instant, le pilote a donc les deux mains et les deux pieds occupés à imprimer à toutes les commandes en même temps les bonnes corrections. Si tout est bien réalisé, l’air s’engouffre sous le rotor de l’appareil et l’auto-alimente, c’est le processus d’autorotation.

Voir l’excellent article sur l’autorotation sur L’avionnaire (cliquer).

Le rotor, qui est aux hélicoptères ce que les ailes sont aux avions, assure la portance et continue à tourner. En maintenant la bonne vitesse après la panne moteur, l’hélicoptère est dans une sorte de vol plané au taux de chute cependant assez élevé. Plus l’hélicoptère a une hauteur (ici une altitude) élevée, plus l’équipage a le temps de réagir et de préparer le processus de contrôle final de la panne.

Simultanément, il constate que plusieurs voyants s’allument sur son tableau de bord, à la façon d’un arbre de Noël qui n’a rien de rassurant et toutes les aiguilles s’écroulent en chœur vers la gauche, signalant perte de puissance, baisse des pressions d’huile moteur et hydraulique, chute des tours rotor… Il faut garder son sang-froid en ramenant les manettes de commande moteur à l’arrêt et chercher immédiatement l’endroit où se poser, si possible face au vent. Sur l’océan, c’est le seul avantage par rapport à la terre ferme car il n’y a que l’embarras du choix en matière d’aire de poser, tout l’espace est dégagé, mais il y a un inconvénient majeur : le pilote sait qu’une fois l’impact est passé, l’hélicoptère va couler, avec le risque d’entraîner l’équipage au fond…

Heureusement, tous les appareils des FAGN, sont équipés de flottabilités de secours (AERAZUR, il faut le dire!), installées de part et d’autre du train d’atterrissage. Cet équipement est systématiquement armé par l’équipage au passage du trait de côte et dès que la vitesse d’autorotation est affichée, le pilote n’a qu’une idée en tête : percuter cette flottabilité avant l’amerrissage!

Ce faisant, les deux bouteilles d’air comprimé situées dans les soutes basses de l’appareil vont gonfler les deux flottabilités simultanément. Il ne reste plus au pilote qu’à estimer la hauteur au-dessus de la surface, c’est beaucoup moins évident sur l’eau car il y a moins de repères qu’à terre, et à réaliser la finale d’autorotation.

La finale d’autorotation de hélicoptère (voir ci-dessus), c’est un peu l’arrondi de l’avion avant de toucher la piste. L’hélicoptère descendant avec un fort taux de chute, il faut le stopper à une vingtaine de mètres de la mer par une cabré plus ou moins accentué. C’est le moment le plus délicat pour le pilote, il ne faut pas débuter cet “arrondi” trop tôt, ni trop tard, tout est affaire d’estimation et d’expérience, qualités dont a bénéficié le pilote aux commandes de l’Ecureuil de la SAG de Nouméa !

Après ce cabré, il faut utiliser l’énergie cinétique de la voilure en augmentant le pas général : l’angle des pales augmente ce qui a pour effet de freiner le taux de descente, mais de faire chuter les tours du rotor. Le pilote dose son action aux commandes pour que l’énergie utilisée, qui est momentanée, soit utilisée dans les derniers centimètres (après l’appareil chute), tout en rétablissant, juste avant l’impact, l’assiette vers l’avant.

Dernières précautions, à l’impact, le pilote doit éviter le bourrage de l’eau sur l’avant des flotteurs, ce qui aurait pour effet de faire retourner l’appareil vers l’avant.

Les derniers gestes, si tout s’est bien passé, sont de larguer les portes de l’appareil, plutôt que d’essayer de les ouvrir car la flottabilité empêche cette manœuvre…

Que se passe-t-il en cas d’immersion ?

Dans le cas où la flottabilité ne se déployerait pas correctement et que l’hélicoptère coule vers le fond en entraînant son équipage, il existe une manœuvre d’urgence d’évacuation de la cabine à laquelle sont formés tous les équipages qui sont affectés en unités côtières des FAGN.

C’est le CESSAN* situé à Lanvéoc-Poulmic qui enseigne ces techniques qui consistent à garder son calme pendant que l’eau pénètre dans la cabine en immersion, se libérer de tout se qui retient le navigant à la cabine (cordon du casque de vol, harnais de sécurité), à larguer les portes, à sortir de la cabine et percuter son gilet de sauvetage (mae-west) et à nager vers la surface…

*Centre d’Entraînement à la Survie et au Sauvetage de l’Aéronautique Navale.

8 commentaires

  1. bravo à l’équipage pour cet amerissage réussi, et merci à la flottabilité dont nous ne disposions pas lorsque j’étais à la sag Nouméa (1985/1988).

  2. Merci pour ce récit explicatif, détaillé très intéressant pour les non-volants dont je fais partie. Mes connaissances d’origine Familiale , furent verbales, l’autorotation en fait partie.Toutes mes félicitations à l’équipage qui doit récupérer psychiquement et physiquement. BRAVO.

  3. j’ai connu cette expérience (volontaire)avec le capitaine Daniel ,je devais lui dire à chaque instant les tours du rotor .j’ai eu mal aux épaules pendant 2 jours .Atterrissage impeccable .
    NB: encore bravo pour cet amerrissage !!!!!!

  4. De l’intérêt de conserver cet entraînement spécifique qui, bien que délicat et pouvant présenter des risques, n’en demeure pas moins un gage de sérénité et de sécurité des équipages en vol. La réalisation d’auto-rotations « completes », plus exigeantes que celles avec reprise moteur, nécessite la formation d’un plus grand nombre de moniteurs en mesure de dispenser cette instruction dans les unités, tant que des mono turbine équiperont les FAG.
    Bravo à l’équipage de ne pas avoir immergé le rotor anti-couple au moment du flare, ce qui aurait entraîné la destruction de l’aéronef et de graves conséquences pour les hommes.

    1. Tout à fait ! Nous supposons que l’analyse de ce fait unique va être extrêmement intéressante, justement sur le positionnement de l’appareil à l’impact et sur son comportement. Le RETEX et l’enquête du BEAD auront tout leur importance.

  5. Cet incident prouve, s’il en était besoin, que la maîtrise de l’autorotation est indispensable aux pilotes de monomoteurs.
    Quand je pense, qu’à mon époque, certains n’en étaient pas convaincus…
    Bravo à l’équipage.

  6. Bravo à l’équipage. Il s’agit certainement d’une gestion complexe car l’altitude de départ ne devait pas être énorme. Il faut comprendre la situation, la gérer, appliquer la procédure et gérer l’amerrissage avec la flottabilité qui heureusement a fonctionné nominalement. Si il s’agit d’un problème GTM c’est une première aux FAG en vol sur écureuil au dessus de l’eau, mais pas chez safran Engine turbine. Une enquête très interessante pour le BEAé.
    Effectivement l’entrainement et le stage CESSAN prennent toute leur justification.
    Heureux que tout le monde soit sain et sauf.
    Bon courage et bons vols aux équipages des FAGN

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